Comme dit plus haut le thème imposé était “In the round” Ce qui est parfaitement intraduisible (et n’est déjà pas d’une grande clarté en anglais) On pourrait définir ce sujet comme une ode au cercle, à la courbe sous toutes ses formes, de la sphère à l’arc en passant par la spirale, avec aussi une idée dynamique de mouvement tout en rondeur, sinusoïde et arabesques. Enfin, c’est comme ça que je l’ai compris, ce thème.
Tout ceci m’a immédiatement inspirée.
La courbe c’est la vie, la rondeur, c’est une certaine opulence, une impression bienfaisante et organique synonyme d’énergie. Je vais naturellement vers la courbe dans mes esquisses, dans mes modèles lorsque j’imagine des formes.
Symboliquement, on pense au Yin et au Yang, deux parties complémentaires créant et maintenant l’harmonie du monde, à l’œuf primordial, l’ovale origine de toutes choses dans beaucoup de mythologies à travers le monde, à l’Orobouros, cette figure de serpent qui se mord la queue et forme ainsi un cercle symbolisant le temps et l’éternité, la vie, l’espoir, le renouveau…
Bref, j’avais envie de rendre hommage au bouillonnement de la vie, à sa vigueur multiforme et aussi à la beauté sensuelle et riche que les formes courbes font naître.
J’ai commencé par imaginer la forme de mon support, un vase à l’ouverture étroite, avec un couvercle.
Un vase rond évidement ! Puis, pour créer le couvercle et son bouton de préhension,  j’ai joué avec différents tailles et positions de cercles. Voir la photo ci-dessous : des cercles dans des cercles (la jarre, le couvercle et son bouton vus en coupe et de dessus), des arcs nés de cercles (la partie supérieure du couvercle et du bouton), des cercles coupant d’autres cercles (la base du couvercle et du bouton)

Je voulais une belle sphère, une forme harmonieuse, sensuelle et pratique à la fois. Pour dynamiser l’ensemble, j’ai légèrement décentré l’ouverture et incliné mon couvercle.
Ensuite, le décor. C’est ici que s’explique le nom de ce projet. J’ai imaginé d’illustrer l’idée de la vie selon 2 échelles interconnectées.
L’une, le macrocosme, pourrait représenter une planète, vue depuis l’espace. Elle est couverte d’un unique océan sur lequel flottent de gigantesques amas végétaux lenticulaires et colorés. Émergeant de la masse d’eau, on observe des organismes circulaires, grouillants de vie, qui s’assemblent et s’éloignent au gré des marées, tels des îles mobiles.
L’autre dimension est celle du microcosme. Car on peut aussi voir dans ce projet un organisme microscopique, habité de délicates diatomées et de spores, de bacilles, de petits être unicellulaires vivant en symbiose dans leur minuscule sphère.
La vie est présente de l’infiniment grand à l’infiniment petit et les deux niveaux interagissent, se connectent et sont nécessaires l’un à l’autre.
Un cercle, un cycle de la vie, de la grandeur d’un monde à l’imperceptible biologie, du macrocosme au microcosme…
Techniquement, je ne vais pas vous étourdir de détails. L’ensemble est entièrement en polymère. J’ai créé, modelé toutes les formes.
Le vase boule n’a pas été trop compliqué, le couvercle par contre… Sur le papier c’est toujours beau et apparemment simple, mais quand il s’agit de calculer un diamètre idéal, le rayon de courbure parfait, le décentrement et l’angle de la courbe des bases pour chaque pièce (le couvercle et son bouton) on rigole tout de suite beaucoup moins !
Au final, ce sont toujours l’œil et la main qui complètent la science et achèvent ce que l’on avait imaginé.
Toutes les couleurs utilisées ont été fabriquées par moi-même (encres, poudres, pastels, peinture à l’huile, poudres à embosser, thé passé au pilon etc.) soit une soixantaine de nuances et effets différents. Après quoi j’ai réalisé 38 dégradés et autant de cannes, plus les 7 cannes “diatomées” qui m’ont demandé un gros travail.

Plusieurs cuissons ont été nécessaires, comme souvent avec mes projets un peu compliqués. Pour la finition, je souhaitais parvenir à un aspect entre la céramique et le verre sans cependant pousser mon ponçage aussi loin que d’ordinaire afin d’épargner un peu mon dos en convalescence suite à une opération. Enfin j’ai terminé par la réalisation des colonies de spores minuscules qui ne sont pas juste des dessins en surface mais incrustées dans le fond : un travail de bénédictin qui m’a littéralement épuisée. Mais je trouvais ça tellement beau !
Et puisque l’on m’a posé la question, je précise que, oui, le couvercle se retire, que le vase est bien creux et peut être rempli. Il mesure 22 cm de haut, couvercle inclus et fait à peu près autant en largeur.
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