Le buffet

Chez mes parents il y avait un buffet tout blanc que j’adorais. C’était le premier meuble qu’ils s’étaient offert au début des années 50 quand ils se sont mariés. À l’époque on commandait son mobilier à un menuisier local qui fabriquait à la demande. La mode était aux angles arrondis, aux couleurs acidulées, au formica et aux chromes rappelant l’esprit du rêve américain.
Ce buffet tout simple, je suis certaine que vous l’avez déjà vu, dans la cuisine de votre grand-mère, dans la cave de vos parents, remisé mais conservé, dédié au rangement du bazar habituel des débarras.

Quelques exemples approchant mon buffet juste pour que l’on voit à quoi il ressemblait avant.
J’avais bien fait des photos du meuble tel que je l’avais récupéré mais je ne parviens pas à remettre la main dessus.

Chaque fois que j’ai occupé un appartement assez grand pour cela, j’ai embarqué le buffet. Peut-être parce qu’il me rappelait ma grand-mère chez laquelle il trônait quand j’étais petite ?
Plus tard j’ai vécu à Paris, dans 14 m2 qui ne m’autorisaient certainement pas un meuble de cette taille.
Et enfin, depuis quelques années je vis dans une maison, MA maison. Inutile de vous dire que j’ai ourdi un plan machiavélique pour récupérer le buffet et l’installer chez moi.
Bon, en fait, je l’ai juste demandé à mes parents, qui, ne comprenant toujours pas ce que je peux trouver à ce vieux machin sans valeur, m’ont dit oui.
J’avais dans l’idée de lui donner une nouvelle jeunesse, de le customiser pour l’intégrer à ma cuisine fraîchement refaite.
J’ai sué sang et eau sur le décapage de la peinture blanche laquée dont mon papa avait enduit le meuble. Papa que j’ai maudit plus d’une fois d’avoir utilisé de la peinture à carrosserie qui, il faut le reconnaître, a magnifiquement résisté dans le temps, mais est une chierie monumentale à enlever (car papa était carrossier et il faut savoir que les peintures automobiles contiennent des résines extrêmement résistantes)

Comme vous pouvez le voir sur cette image, les années 70 ont laissé leurs traces.
Les étagères étaient toutes habillées d’un chatoyant papier collant aux gais motifs de fleurs qui piquent les n’œils.
La partie haute du buffet est décapée et poncée. Le bas est juste décapé.
On devine ce qui était peut-être la couleur d’origine (un vert tilleul ?) ou un apprêt avant peinture.
Le meuble s’est déformé dans le temps, j’ai donc remplacé le toit et toutes les étagères qui s’étaient gauchis.

Le ponçage, ensuite, a révélé que le meuble était composé de 3 bois différents, du chêne pour les montants principaux sur les côtés et les pieds avants, un bois blanc de moindre qualité pour les autres montants et du contreplaqué au ton rouge pour les panneaux des portes, des côtés et du fond du buffet (on voit bien ses différents bois sur la photo ci-dessus)
Mauvaises nouvelle car je comptais laisser le bois apparent sous une céruse blanche très légère. Finalement j’ai usé de la cire blanche dont je me suis déjà servie pour d’autres meubles, laissant apparaître discrètement le veinage du bois mais unifiant suffisamment le tout pour que l’on ne voit pas trop les différences d’essences. L’intérieur du meuble, des portes, des tiroirs a été peint en rouge, le même que celui qui habille un pan de mur de ma cuisine.
Sur le plateau de la partie basse du buffet, j’ai assemblé de magnifiques papiers japonais comme je les aime : de splendides motifs traditionnels de sakura dans des tons rouge, rose, blanc. Le tout est protégé par une feuille de verre synthétique (bien transparent et pas fragile)

Bien sûr, si j’en parle ici c’est qu’il y a une partie de polymère dans cette réfection. Il s’agit des poignées, anciennement en bête métal moche, que j’ai refaite dans le même esprit japonais en ornant des cabochons ronds et ovales bombés d’un mokume gane et de fleurs de cerisier (modèle de Cristalline à peine modifié)

Les poignées rondes pour le petit tiroir et les petites portes, les ovales pour toutes les autres portes et tiroirs.

Et voilà ! Ce meuble sans grande valeur, hormis sentimentale, je l’adore.
J’aime le design des pieds, les portes vitrées dont le motif me rappelle des fleurs et qui m’a inspiré le thème nippon de sa décoration. J’aime la bande d’alu qui ceinture le plateau, j’aime les angles arrondis du meuble, des tiroirs et des portes, la petite niche au centre (dans laquelle un certain chat a déjà élu domicile) Et surtout j’aime ce souvenir de mes parents et des débuts de leur vie commune, il y a plus de 60 ans !

Comme d’habitude, on peut cliquer sur les images pour les voir en plus grand.

Vue générale du buffet.
Le rouge à l’intérieur de la niche ainsi qu’à l’intérieur du buffet est le même que celui du mur.

Vue du plateau habillé de papiers japonais aux motifs de fleurs de cerisiers.

L’intérieur du buffet et la face interne des portes sont du même beau rouge profond.

Bien entendu un squatteur a immédiatement trouvé une niche où se lover pour surveiller ce qu’il passe dans la cuisine.